La Maison Tolas Helann avait un rêve... Le rêve d'éclore en toute simplicité, de trouver la sérénité, une harmonie, et le bonheur de créer, en famille, au travers d'une vie simple et sans histoires mêlée de passion, des boissons artisanales faites avec amour, avec des ingrédients sains et naturels, puis de transporter par leur biais le monde autour d'elle avec elle dans son univers idyllique de merveilles teintées de mystères...

C'était un beau rêve. Un rêve de paix. Un rêve de poésie. Un rêve de félicité. Rien de plus.

Ce rêve ne verra jamais véritablement le jour, malgré les efforts décuplés et désespérés pour faire face au mal l’ayant assailli. Ce rêve aura été tué dans l’œuf… La Maison Tolas Helann n’aura pu que le caresser un temps. Sacrifiée, pour être tombée sur le mauvais article de journal, avoir rencontré les mauvaises personnes, au mauvais moment... On ne lui aura pas laissé le temps de dévoiler son âme immense et bienveillante avant de la souiller lâchement.

L'histoire de l'escroquerie ayant bouleversé le destin de la Maison Tolas Helann a été dépeinte de diverses façons, notamment par les escrocs eux-mêmes ainsi que leurs alliés, soucieux de préserver leurs réputations, ou de manipuler l'opinion, soit à leur guise, soit à des fins commerciales, et tout cela au mépris de la vérité.

Cette version-ci est celle de la Maison Tolas Helann elle-même, contée au travers des yeux de son fondateur ; soit, peut-être pas la version la plus objective, penserez-vous, mais néanmoins la seule, jusqu'à preuve du contraire, qui soit appuyée par de nombreuses pièces justificatives, preuves et autres témoignages.

Cet historique des faits réels est raconté ici à des fins informatives, par soucis de justice, afin que la vérité soit accessible au moins quelque part pour le grand public, mais aussi pour servir d'avertissement et de moyen de prévention, afin que ce dernier soit sensibilisé au phénomène sans âge mais de plus en plus inquiétant des escroqueries en tous genres.

Voici l'histoire de la tromperie qui aura coûté son rêve à la Maison Tolas Helann...

La tromperie...

« Avril 2023. J’avais 38 ans. Cela faisait déjà quelques années que je pensais à une reconversion professionnelle. Changer de vie. Ne plus travailler que pour en vivre, mais aussi donner un sens à sa vie ; travailler par plaisir, tout en en vivant. C’était décidé, oui, j’allais me lancer ! … Mais dans quel domaine ?

C’est dans ce contexte que je suis tombé, par hasard, un beau matin, sur un article de journal dépeignant les déboires d’une brasserie artisanale locale qui était en liquidation judiciaire et cherchait désespérément un repreneur, afin de perpétuer le "savoir-faire".

Savoir faire, je ne demandais que ça, moi ! Un métier artisanal, c’était une idée séduisante. Et qui plus est, la bière était l’un de mes centres d’intérêt depuis mon adolescence : collectionner tout ce qui s’y rapporte, visiter des brasseries, se tenter à en faire soi-même, et bien sûr, en déguster le plus possible ! D’ailleurs, ma femme nous en apportait des nouvelles à découvrir une fois par semaine, et il se trouve que nous en avions dégustées de cette brasserie en question peu de temps avant. Nous n’avions pas accroché, pour être honnête, cette bière était un brin… étrange. Tantôt un jaillissement de mousse à l'ouverture, tantôt sans pétillance, peu harmonieuse, acide, rustre, brute de décoffrage, sans équilibre, entre-autres…

Dans cet article de journal, l’occasion semblait néanmoins à saisir : le gérant vantait les mérites de sa brasserie, un outil de production en parfait état ! Et le journal mentionnait aussi une médaille reçue pour son engagement dans le social. Cela présentait bien, que du positif. D’autant que s’ils fermaient c’était vraisemblablement dû à un concours de circonstances des plus malheureuses, ce n’était donc pas chose inéluctable. Du moins, en apparence…

Ce fut une révélation... Moi qui d’ordinaire suis plutôt terre-à-terre, je dois bien avouer que sur ce coup-là je me suis surpris à croire… Croire à un coup du destin ! J'ai pris contact immédiatement, le jour-même, tellement persuadé que ma bonne étoile me tendait cette merveilleuse opportunité. J’ai foncé tête baissée, sans jamais la relever un instant. Le pigeon idéal pour tout escroc, en sommes. Ce fut ma principale erreur, si ce n’est l’unique.

J'ai été mis en relation très rapidement avec l'ancien gérant de la brasserie en liquidation judiciaire, pourtant légalement destitué de ses fonctions (mais je n'ai pas été surpris car c'est une pratique assez courante dans le milieu des liquidations judicaires). Au téléphone, cet inconnu d'apparence cordiale et de confiance me donna rendez-vous le jour de Pâques sur le site de l'ancienne brasserie.

Sur place, chapeau vissé sur la tête, regard louchant, canne et long manteau, l'homme nous apparut étrange, d'un premier abord, mais pour autant je ne me méfiai guère, ce n'était pas une raison valable, après tout. Les lieux étaient véritablement sinistres, et pour le moins insalubres. L’homme au chapeau nous les fit visiter ; il avait encore sa clé… « Un arrangement avec le mandataire judiciaire », dit-il en se donnant des airs de personnage important, sur un ton très fier. Le local était plongé dans le noir, l’électricité avait été coupée, au même titre que l’eau. Tout était déjà démonté, emballé, et placé sur des palettes filmées, prêtes pour le départ. L'explication était qu'un investisseur avait voulu racheter mais s'était ensuite désisté au dernier moment (pour le coup, ça, c’était vrai ! mais j’y reviendrai plus tard…). Nous n'avons donc pas pu voir la marchandise, au final, ou très peu, mais qu’importe puisque l'homme nous remit, outre ses précieuses explications, le sacrosaint inventaire d'huissier listant tout ce qui était là à racheter.

Nous lui avons fait confiance, pensant qu'il n'avait de toute façon rien à y gagner à nous mentir... Et puis, au-dessus de lui, il y avait aussi le mandataire judiciaire, responsable de la vente, qui à nos yeux ne pouvait être que de confiance, puisque représentant les institutions !

Nous croisâmes aussi des tas de cuves IBC 1000L et autres tonneaux de plastiques remplis de bière qui nous intriguèrent. L’homme nous expliqua que c'était en partie de la bière en cours de fermentation, récupérable, et en seconde partie de la bière qu'il avait moins bien réussie et qu'il conservait afin de la distiller en Moonshine (une sorte de whisky de bière). Encore une valeur ajoutée ! Il en profita pour préciser qu'il y avait d'ailleurs un alambic à distiller dans le lot à racheter ! Et cela tombait bien, car je rêvais de pouvoir faire mes propres spiritueux ! Du reste, sans que nous ne nous en rendions compte, il ne nous fit pas voir certaines pièces cachées ; la visite avait été millimétrée.

À la sortie, l'ex gérant nous assura que l'outil de travail était en parfait état de fonctionnement, tout équipé (production, informatique, boutique, etc… Aucun investissement annexe à prévoir), qu'il y avait une vaste clientèle à récupérer, dont plus de 250 clients pros, des employés compétents à reprendre, etc... Le petit plus : un gros stock de bière finie, vendable immédiatement, à hauteur d'une somme équivalente à celle d’une berline allemande neuve, de quoi nous assurer des débuts sereins ! Et cerise sur le gâteau : selon lui, à elle seule, la remplisseuse "KTM" valait plus que ce que nous pourrions offrir comme prix pour le lot complet !

De son côté, s'il avait mis la clé sous la porte, c'était soi-disant à cause du Covid, d’un déménagement mal temporisé, de sa trop grande générosité, ou encore d'une bactérie située dans les vieilles conduites d'eau du local (et que le méchant assureur n'avait pas daigné prendre à sa charge - nous en comprendrons les raisons bien plus tard...). Mais il nous rassura... En effet, puisque le propriétaire du local souhaitait le récupérer et que donc nous devions en changer, le problème ne se poserait pas.

Il nous fit au passage un récit larmoyant de ses embûches, pour nous attendrir… Il avait un handicap physique, un énorme pincement au cœur de quitter son bébé (dixit sa brasserie), il perdait énormément d’argent avec cette liquidation, risquait de perdre sa maison, etc… Un récit digne du véritable Calimero. Or, là encore, nous serons surpris plus tard de quelques vérités apprises concernant cette histoire tragique qu’il conte inlassablement à chaque coin de rue…

En attendant, en ce qui concernait notre investissement, on nous décrivit une affaire qui roule, avec peu de risques. Un bel avenir à portée de main !

L’homme était bon vendeur, il faut le lui laisser…

Avec ce rêve à portée de main, je continuai de foncer, toujours tête baissée. Nous nous lançâmes donc dans les démarches, sur la base des informations reçues (business plan, offre d’achat, rendez-vous avec les banquiers, etc…), mais aussi dans la recherche d'un nouveau local, puisque nous étions priés de débarrasser le plancher !

L'ex gérant au chapeau nous fournit des bilans d'activité, à notre demande, avec un peu d’attente et en nous précisant timidement que sa comptable y avait fait "des erreurs", qu’il ne fallait pas trop y faire attention ni trop s’y attarder... (nous n'avons pas vraiment tilté à ce moment, non… mais évidemment qu'il les avait trafiqués...).

Il m'aida ensuite, "gentiment", à faire mon business-plan à présenter au banquier ; plan financier qui serait dès lors les "rails" de notre projet. Pour ce faire, il m'expliqua tout ce qui serait possible de faire conformément à sa grande expérience passée : quel volume de production, combien de chiffre d'affaires estimé, combien d'employés je pourrais reprendre sans risque (c’était au moins 3 ou 4, selon lui. Il se vantait même d’en avoir eu une douzaine, lui. Mais je réduisis à 2, car on n’est jamais trop prudent !), combien de loyer nous serions à même de supporter, etc… Inutile de préciser que tous ses chiffres étaient gonflés à bloc ! (capacité de production, C.A., etc...). Or cela nous l'ignorions, puisque nous n'avions aucune expérience dans le domaine. Ensuite, il nous conseilla sur la somme à proposer au mandataire judiciaire, tel un bon ami qui nous veut du bien, critiquant au passage et tournant au ridicule ledit liquidateur, comme si le plan était de gruger ce dernier pour obtenir le bien à un prix dérisoire. Et, pour nous, qui étions novices, il nous rédigea même notre première offre d'achat à présenter au mandataire judicaire en charge de la vente ! Un véritable ange...

Les banquiers, comptables et experts-comptables, les associés, les amis, après étude du business-plan présenté, sur la base des informations fournies par l'ancien gérant, validèrent tous le projet avec enthousiasme (comme quoi, je ne fus pas le seul à m'être laissé berné...). En parallèle nous trouvâmes un local !

Dès lors, place aux négociations !

Le mandataire judiciaire, vendeur officiel, je ne le connaissais pas, mais l’ancien gérant m’avait insinué, avec un sourire en coin, qu’il l’avait dans sa poche, et aussi que l’on pouvait faire de "bonnes affaires" avec lui… (sous-entendant qu’il pouvait se montrer arrangeant sous certaines conditions… voire… peu scrupuleux). Quelques-uns de mes proches et connaissances l’ayant côtoyé me décrivirent un "Personnage", un "drôle d’oiseau", aux pratiques douteuses, aux principes légers et à l’honnêteté toute relative. Une réputation partiellement confirmée par les avis laissés sur internet, mais je ne m’en formalisai pas. Je l’approchai d’abord par courriel…

Après deux premières offres (tout à fait honnêtes) qui furent refusées par le mandataire judiciaire, les jugeant trop basses, à notre troisième proposition surenchérie, il accepta ! Le prix semblait encore correct, à mes yeux, pour cette merveille que nous avait dépeint l’ex gérant.

(Pour la petite histoire, on apprendra plus tard de l'investisseur qui avait annulé son offre à la dernière minute, que son offre, acceptée par le mandataire - qu'il connaissait - était plus basse que notre première offre à nous, qui elle fut refusée...).

C’est alors que je fus convié au cabinet du liquidateur en question pour concrétiser cette vente. Je découvris, en effet, un sacré personnage, mais plutôt cordial envers moi, d’un premier abord. Il me fit d'emblée une attestation d'acceptation de mon offre en échange d’un chèque du montant conclu, et, en le prenant, s’exclama à toute voix : « Considérez-vous comme propriétaire ! …et empressez-vous de débarrasser le local ». À ma demande, il me promit au passage de rétablir l'eau et l'électricité nécessaires au déménagement. Puis, tandis que je ressortais, il beugla encore à tue-tête dans son bureau que « le problème avec la bière, c’est que les gens n’en boivent pas assez ! ». Et ce fut là, sur ces bonnes paroles, le top départ officiel du projet de la Micro-Brasserie artisanale Tolas Helann !

En sortant de chez le mandataire, en ce vendredi soir, j'appelai directement ma femme pour lui annoncer la "grande" nouvelle, fou de joie, empli d'espoir et de fierté. Puis je prenais la route. Mais, dans toute cette confusion jubilatoire, je me rendis compte que le mandataire ne m'avait pas fourni la clé du local pour récupérer mon bien ! Je lui téléphonai immédiatement... Et il me dit sèchement qu’il ne l’avait pas, que je devais aller la chercher au domicile de l'ancien gérant ! Quoiqu'un brin surpris par les méthodes employées, je m’y pliai. Après un week-end festif, je récupérai la clé chez l’homme au chapeau, qui afficha dès lors un sourire satisfait à ses lèvres en me regardant partir.

Plus tard, je me rendis au capharnaüm où se trouvait mon nouveau trésor, promesse d’une nouvelle vie, plus simple, plus sereine, plus passionnante. Je m’y prélassai un moment, à moitié dans le noir, dégustai l’une et l’autre de mes bières bizarres nouvellement miennes, caressai les cartons, ouvrai quelques tiroirs, déambulai… Je ne remarquai rien à ce stade, si ce n’est les quelques pièces que l’ex gérant ne nous avait pas montrées : bureaux désordonnés, salle de pause infecte, locaux techniques, etc… toutes aussi fétide que le reste de la brasserie. Je ne m’y attardai pas. Je ne touchai à rien. Simplement, je savourais. Mais, tout de même, avec quelque part au fond de moi une espèce de gêne, de sentiment de mal-être, que j’associai sur le moment à l’ambiance de ce lieu sordide ou au stress généré par l'inconnu que représentait cet engagement un peu fou et soudain. Puis je repartis, car il y avait encore pas mal de détails à arranger avant de commencer le déménagement !

Dans les jours qui suivirent, avec ma femme et associée, fraîchement enceinte, nous nous rapprochâmes de quelques anciens employés de cette brasserie, notamment deux d’entre eux que nous allions reprendre pour notre projet. Nous nous donnâmes rendez-vous au vieux local pour préparer le déménagement. Sur place, avec cette troupe, les premières bizarreries remontèrent à la surface. Notamment de nombreux vides dans de nombreuses palettes ; des cartons manquants. « Pas étonnant, il vend des bières au noir depuis la fermeture, il a même été sur les marchés de noël alors qu’on était plus en activité », nous a-t-on alors confié. « Et puis il y a aussi des nouveaux trous, on voit encore la marque dans le film plastique, il a dû en embarquer encore pour les revendre à ses amis », ajouta le second. À la lueur de ces informations soudaines, je dois dire qu’un frisson m’a traversé… Pas parce que c’était spécialement grave, mais parce que c’était une première mauvaise surprise, et que ça ouvrait la porte à d’autres… Je tentai alors de vérifier l'inventaire reçu tant bien que mal. Et il apparut très vite qu'il manquait bien d’autres choses... Outre des stocks de bières, du matériel de brasserie… « Bah il a revendu plein de trucs depuis la fermeture », nous précisa-t-on. Nous réalisâmes que l’ancien gérant nous avait volé une partie de notre achat avant même qu’on ne l’achète. Ce n’est pas bien méchant, penseront certains. Non, ce n’était pas bien méchant, à ce stade. Mais ce n’était qu’un début…

Nous avons alors tenté d’appeler le mandataire judiciaire pour lui faire part du souci, sans accuser personne (le voleur était à priori en détresse, pensions-nous, à ses dires, et nous étions complètement compréhensifs). Le téléphone du liquidateur sonna, mais pas de réponse. Tout à coup nous reconnûmes sa voix, parodiant un accent nord-africain dans un message de répondeur loufoque : « Oui, vous êtes bien sur le répondeur de Rachid Boulaouane, je ne suis pas disponible pour le moment, je suis rentré au bled, alors foutez-moi la paix », à peu de chose près… Nous avons halluciné… Le personnage était bien au-delà des descriptions qu’on nous en avait faite !

Nous lui signalâmes donc le problème par courriel, toujours en bannissant la moindre accusation. Mais sans jamais de réponse...

Les anciens employés, ceux repris et d'autres que nous côtoyâmes, restèrent un temps assez timides concernant les informations qu’ils détenaient sur l’ancien gérant et ses pratiques. Nous ne nous connaissions pas, après tout. Ce n’est que petit à petit que les langues se délièrent, au fil des semaines et des mois.

Dans un premier temps, ils se contentèrent, dans la joie et la bonne humeur, de se moquer gentiment de lui, et simplement nous incitèrent à rester vigilants ; celui-ci semblait être un filou masqué, finalement. On nous le décrit d’abord comme un excellent commercial, habile en manipulation, capable de vendre une glace empoisonnée à un esquimaux pour le détrousser, mais aussi comme un paresseux, qui venait rarement au travail (il avait notamment fait un Covid imaginaire qui nécessita un arrêt de travail auto-proclamé de 6 mois), ou ne venant que tardivement pour finir affalé sur le canapé de son bureau, excepté quand il y avait une visite notable, comme celle de médias, par exemple, où il était toujours le premier à entrer sur scène, puis à se pavaner gracieusement. En vérité il n’avait pas de réel attachement à son "bébé" dont il avait dû se séparer. Et tout n’était qu’artifice avec lui. Dès lors nous commençâmes à prendre nos distances avec cet homme douteux.

Dans la continuité de nos préparatifs au déménagement, nous fîmes face à la suite de nos déconvenues : le nouveau local où nous devions nous installer nous était soudainement refusé, pour une raison obscure. Tout ce qui gravitait autour de cette nauséabonde brasserie reprise semblait décidément cacher d'obscurs non-dits, qui sans que nous le comprenions, nous mettaient petit à petit des bâtons dans les roues. En parallèle, l’électricité de l'ancien local n’était pas revenue comme promis, le mandataire ne donnait plus aucun signe de vie. Or le local était verrouillé par une grille métallique électrique, impossible de sortir notre matériel sans électricité ! J’appelai donc moi-même le fournisseur d’électricité qui me confia qu’il refusait de rétablir le courant car l’ancien gérant s’était joué d’eux, leur laissant au passage une immense ardoise. L’homme au téléphone était très remonté et refusa froidement ma demande. J’appelai ensuite la communauté de commune, qui apparemment sous-louait le local à l’ex gérant, pour avoir leur appui concernant cette histoire d’électricité, et aussi prévenir que la remise du local aurait du retard du fait de toutes ces anomalies… Le responsable de la Com-Com me confia ne plus vouloir rien avoir à faire avec cet homme, sa brasserie, ou tout ce qui s’en rapproche, car il leur avait fait énormément de mal, de tort, n’avait jamais payé aucun de ses loyers, et avait profité en parallèle de nombreuses aides et subventions ; le responsable de la Com-Com a donc refusé de m’aider, à son tour… Pour la petite histoire, bien plus tard, un employé de cette Com-Com rencontré au hasard d’une livraison me donneras le chiffre de trois-cent-mille euros dépensés pour les beaux yeux de l' ex gérant au chapeau... J’eus peine à le croire ! (mais ce chiffre nous sera confirmé plus tard par une autre source inhérente à l'administration en question. Il s'agissait d'aides, de travaux, de loyers impayés, etc...).

Je ne vais pas m'attarder sur nos nombreuses péripéties et mésaventures liées à la période du déménagement, puisqu'il s'agit là de conter plutôt l'escroquerie qui aura eu raison de nous...

Pour résumer, nous serons mis sur la piste d’un nouveau local, qui enfin sera le bon – notre fameux hangar aux lustres – et au passage rencontrerons le mystérieux investisseur qui devait reprendre la brasserie en liquidation mais s'était désisté au dernier moment. Il se trouvait être le propriétaire de notre nouveau local !

Celui-ci resta relativement discret sur les raisons de ce désistement qu’avait été le sien, dans un premier temps, mais finira plus tard par nous les révéler : le projet de base était une association avec l’ancien gérant, l’homme au chapeau beau parleur, qui lui avait vendu du rêve à lui aussi. L’idée était d’aménager une brasserie flambant neuve dont ce dernier prendrait les rênes (et se serait attribué pour sûr tout le mérite). Des investissements à plusieurs centaines de milliers d’euros furent prévus pour ce faire. Mais l’investisseur avait de bons conseils et le nez fin. L’un de ses associés avait mené sa petite enquête et le mit en garde concernant l’homme au chapeau, qui serait peut-être bien un filou, et risquait de se remplir les poches dans leur dos avec ce beau projet, sans compter de nombreuses autres zones d’ombres, vices cachés inquiétants, etc… L’investisseur mit alors un terme au projet sans plus attendre !

De notre côté, ignorants de ces faits (et biens d’autres) à l’époque, nous nous trouvions dans une situation d’urgence qui laissait peu de place aux temps de réflexion ! Nous avions investi beaucoup d’argent dans cette aventure, les économies de toute une vie à vrai dire, et en parallèle nous commencions à avoir des charges à payer, il fallait commencer l’activité au plus vite, commencer à rentabiliser l’investissement le plus rapidement possible ! Il fallait agir, donc, et maintenant que nous avions enfin un point de chute, l’heure du déménagement avait sonné !

Avec l'aide d’un ami et de plusieurs ex-employés de l’homme au chapeau, dont nos deux futurs employés à nous, très motivés, nous débutâmes la lourde tâche. Nous dûment d’abord démonter à la main le rideau métallique électrique du vieux local, faute d’électricité. Le mandataire n'avait pas tenu parole. Notre achat se trouvait donc emprisonné, et il fallut le délivrer avant de débuter. L'un des nombreux imprévus très chronophages (et donc coûteux) auxquels nous fîmes face !

Le déménagement fut intense, rude, éprouvant. Nous dûment faire appel à des transporteurs poids lourds, mais aussi abandonner sur place un grand nombre de choses inutilisables. Il y avait beaucoup de déchets dans le lot que nous avions acheté, ainsi qu’une bonne quantité de matériel H.S. Le matériel informatique avait été remplacé par du factice, du style qu’on retrouve dans les magasins de meubles. Des pompes grillées, des tireuses à moitié démontées, des bouteilles de gaz vides, des tonnes de prospectus, etc, etc... et tout ce qui était stocks de matières premières se révéla de date de péremption dépassée, soit légalement interdits à la vente. Nous avons emporté tout ce qui était déjà palettisé ou semblait correct, du reste, c'était une véritable déchèterie, cette brasserie, dans tous les sens du terme. Quand on pense qu'il y avait eu une production de type alimentaire en ces lieux... Pas étonnant qu’ils distribuaient des produits contaminés… (j'y reviendrai plus tard, à ce détail là...)

Après des jours de labeurs, enfin, nous finîmes par y arriver ! Notre premier déménagement était accompli.

Ceci étant dit, notre offre d’achat incluait la promesse que nous rendrions un local totalement vidé et nettoyé. Et ceux qui me connaissent savent qu’il n’est pas dans mes habitudes de ne pas respecter une promesse… Or, puisque le mandataire judiciaire nous avait abandonnés à notre sort, je pris la décision de lui rendre la pareille. D’autant que sans l’eau et l’électricité qu’il devait nous rétablir, il était pour ainsi dire impossible de faire le grand ménage !

Aussi, de ces faits, le déménagement avait duré deux fois plus longtemps que prévu et avait coûté plus du double. Il se fit dans des conditions éprouvantes, au prix de lourds tribus imprévus… Déjà notre prévisionnel budgétaire avait été saigné à blanc de par la malhonnêteté des personnes à l’origine de la vente. Nous ne pouvions pas perdre plus de temps et d’argent pour respecter une promesse faite à de telles personnes !

Durant tout ce temps, comme dit, le mandataire judiciaire, cet officiel en charge de la vente, restera injoignable ; il ne répondait à aucun de nos appels de détresse, pas même à nos courriels expliquant les problématiques liées aux locaux, qui engendreraient un retard significatif, quand bien même il nous avait mis la pression pour débarrasser le plancher face à l’urgence de rendre l’ancien local. L'eau et l'électricité nécessaires ne seront jamais rétablis. Et nous n’en avions pas terminé avec ce filou-là, qui, nous le découvrirons plus tard, était non seulement de mèche avec l’homme au chapeau, mais également son ami et camarade de "club social"…

Et, au final, lorsque nous déballèrent notre "trésor" dans le nouveau local pour commencer à le mettre en place, nous réalisâmes qu'il manquait encore bien plus de choses que nous le craignions. Les matières premières palettisées que nous avions emportées étaient, elles-aussi, pour la plupart, périmées ou impropres à la consommation. De nombreux objets, machines, matériels divers étaient hors d'usage. Manquait aussi l'informatique au grand complet ! « Bin oui, la brasserie a été cambriolée fin décembre, il y a eu pour trente-mille euros de préjudice, l’informatique figurant sur l’inventaire y a disparu », nous informèrent les anciens employés. On nous avait donc même vendu des objets volés, qui n’existaient plus ! Sans juger bon de nous en informer, bien entendu… et il fallait, semble-t-il, que nous trouvions cela normal…

Nous continuâmes nos appels et courriels improductifs auprès du mandataire judiciaire, pendant que nous mettions en place notre nouvelle brasserie et étiquetions les milliers de bouteilles du stock que nous pouvions soi-disant revendre (oui, un stock que nous découvrîmes partiellement non étiqueté, vous avez bien compris. Mais comparé au reste, ce fut une surprise d'un "charisme" assez moindre, qui nous fit presque sourire, quoiqu’elle nous coutât tout de même cher en temps et en main d’œuvre). Un stock que nous avions d’ailleurs bien hâte de revendre ! autant pour faire de la place que pour retrouver un peu d’air financièrement après toutes ces dépenses imprévues ! En somme, ce stock représentait l’un des seuls points positifs et rassurant jusque-là.

Néanmoins, lorsque, après des semaines d’étiquetage, j’apportais un petit échantillonnage de ces bières durement acquises à un barbecue entre amis, et que l’un d’eux, calé en la matière, me dit que ces bières avaient un goût bactérisé, ce qu’il restait de mon moral s’écroula soudainement…

Se pouvait-il que parmi tous ces mensonges déjà découverts, il y avait aussi ce-dit problème des fameuses bactéries dans les vieilles conduites d’eau de l’ancien local ? L’homme au chapeau se serait-il joué de nous à ce sujet-là aussi ? Se pouvait-il que tous les stocks soient contaminés ? Et quoi d’autre encore ?! Le matériel au complet ? De plus, se pouvait-il que nous ayons étiqueté toutes ces bouteilles, perdu tout ce temps, pour rien ? Se pouvait-il que nous ayons tant dépensé pour rien ?

Que ces économies d’une vie eurent purement et simplement été jetées à la poubelle ?

Mon ami calé en la matière m’avoua que ce type de bactérie était difficilement destructible. Que ces petites bêtes étaient volatiles, pouvaient se cacher dans les moindres recoins, et que nous l’avions emportée avec nous dans le nouveau local. Bien sûr il faudrait encore confirmer ses dires par des analyses. Mais s’il disait vrai, cela signifiait que toute la brasserie nous avait été vendue contaminée, stocks et matériels confondus, même la précieuse remplisseuse KTM et les cuves ! Cela signifiait l'achat d'une "unité de production de produits alimentaires impropres à la consommation", donc sans valeur, potentiellement inutilisable…

Et cela, les vendeurs le savaient pertinemment.

La semaine suivante, j’en parlais immédiatement aux anciens employés de l’ex gérant. Ils m’avouèrent la potentielle contamination totale. Ils pensaient que nous savions, et, nous connaissant encore mal, que comme l’homme au chapeau nous comptions peut-être vendre ces produits tels quels… à savoir potentiellement contaminés…

« Sérieusement ? Il vendait ses bières contaminées en toute connaissance de cause ? » leur demandai-je. « Bin oui, ça fait longtemps. Même que les bières contaminées à la Lactobacillus (bactérie qui rend la bière trouble, blanchâtre et acide) il mettait des fois une étiquette "Bière au Citron de Sicile" dessus, alors qu'il n'y avait pas un pet de citron dedans », répondit l'un. « Pourquoi tu crois qu'il faisait tout le temps des recettes expérimentales avec plein d'épices, fruits et exhausteurs de goût ? ça permettait de cacher les goûts bactérisés... », ajouta l'autre. Je restai sans voix...

Dans la foulée, j’envoyais, en présence d’un huissier (pour officialiser la chose), tout un échantillonnage de bières de l’ex gérant en analyse, pour être strictement certain. Nous mîmes tout en pause durant ce temps. Et fatalement, l’argent partait encore à la poubelle, petit à petit…

Les résultats d’analyses tombèrent quelques jours plus tard… Le lot complet était contaminé par trois types de bactéries différentes, dont la fameuse dont on ne se débarrasse pas facilement, voire, pas du tout… La sentence fut terrible. C’était le coup de grâce ! Et pourtant, nous n’étions toujours pas au bout de nos surprises…

C’est alors que, envahi d’un désarroi incommensurable, je tentais un ultime appel au mandataire judiciaire qui nous avait arnaqués en connivence avec l’ex gérant au chapeau. Et Surprise : il décrocha dès la première tonalité ! Comme s’il avait le téléphone en main et avait décroché par mégarde… Il fit comme si de rien n’était, comme s’il n’avait jamais esquivé mes appels, mails et messages depuis des semaines. Je l’informais d’emblée d’une contamination, avec calme et politesse, comme à mon habitude, quoiqu’avec un peu de mal, ainsi que des objets manquants ou hors-service.

« Ah vraiment ?! Tous les stocks sont contaminés ??? », eut-il le réflexe de répondre. Un lapsus révélateur : je n’avais pas parlé de tous les stocks à ce moment-là ; il avouait non seulement savoir pour une contamination, mais aussi savoir que tout était touché). « Et il manque des choses ? Bin mince alors… Pas de problème ! Faites-moi un courrier récapitulatif et nous allons revoir le prix à la baisse auprès du juge commissaire ». Je senti bien qu'il avait eu l'air faussement surpris et faussement sincère, mais qu'importe puisque qu'il m'assura que ces problèmes seraient bientôt réglés. Si une remise de prix était accordée, cela pourrait peut-être nous permettre d’amortir les pertes et de réinvestir pour du matériel neuf, tout n’était peut-être pas perdu. Je lui envoyais donc son courrier le soir même, rassuré.

Par la suite, et avant de pouvoir commencer quelque production que ce soit, nous fîmes rapidement appel à des experts de la désinfection en milieu alimentaire, spécialisés dans les produits à fermentation, pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être et assainir le nouveau lieu de production. En parallèle je passais commande d’onéreuses cuves de fermentation en inox pour remplacer les tonneaux en plastique inadéquats et contaminés de l’homme au chapeau. Encore un gros budget supplémentaire et imprévu, sans nouvelles de cette renégociation de prix. C’était un coup de poker les yeux bandés.

L’expert nous informa que la décontamination totale de toutes ces bactéries était possible mais extrêmement compliquée, que le résultat serait hypothétique, que nous ne le saurions qu’après analyse de notre première production. Encore un autre coup de poker. Mais depuis le début nous étions pris en étau entre plusieurs obligations, prisonniers de contrats, d’un bail, d’un crédit bancaire, de contrats de travail avec nos salariés, etc… Nous n’avions d’autre choix que de tenter le tout pour le tout !

Au passage, l’expert affirma que ce type de bactérie ne pouvait en aucun cas être apparu dans des eaux stagnantes d’une trop vieille tuyauterie, mais était purement et simplement le résultat de l’hygiène désastreuse de la brasserie de l’homme au chapeau (qu’il connaissait pour avoir déjà eu affaire à lui, au passage). Nous commençâmes à réaliser que cet homme qui nous avait trompés était en fait une sorte d’escroc mythomane.

À ce propos, cela me fait aussi penser que j’avais pu échanger avec l’assureur de l’homme au chapeau, quelques semaines plus tôt, dans l’optique de garder la même assurance ; bien que ce dernier m’eût décrit son assureur comme un arnaqueur qui avait illégalement refusé de le dédommager pour son immense perte causée par les vieux tuyaux d’eau contaminés ! Version que le Calimero criait d’ailleurs sur tous les toits pour dénoncer cette "injustice" (cocasse, lorsque l’on apprend la vérité). L’assureur en question, fort correct, avait eu tout le loisir de me démontrer qu’il était bel et bien de bonne foi : son refus d’indemniser l’ex gérant pour ses pertes de production était légitime compte tenu du contrat qui les liait et des conclusions de l’expert. Au demeurant, les affirmations de notre expert en désinfection à nous le prouvaient d'autant plus !

Tout compte fait, l’ex gérant qui criait à l’injustice avait juste tenté une autre de ses arnaques, en réalité ; une arnaque à l’assurance pour le coup, qui cette fois-ci... avait échoué !

Voilà... Pour faire le point, on se retrouvait déjà, dès le début, en très mauvaise posture : à l’arrêt avant d’avoir pu commencer quoi que ce soit ! Impossible de produire avant désinfection du matériel et réception des nouvelles cuves. Inutile de continuer à étiqueter les énormes stocks de bouteilles de bière de l’escroc au chapeau, puisque tout était contaminé et donc invendable ; ce qui signifiait aussi que nous avions perdu inutilement de l’argent à les étiqueter pour rien pendant des semaines, mais surtout que nous n’aurions jamais la grosse somme d’argent salvatrice promise par cette revente, l’une des clés de voûte inscrite dans le prévisionnel de notre projet… Impossible de commencer une quelconque forme de commercialisation non plus, sans échantillons à présenter aux futurs clients pros (revendeurs). D’autant que nous étions toujours en attente du fameux ficher client, autre clé de voûte du projet !

Nous organisâmes une réunion avec les associés et principaux acteurs de notre projet. Il en ressorti que nous avions bel et bien été escroqués, que si nous nous en sortions ce serait un véritable miracle, mais que dans les circonstances présentes nous n’avions pas le choix que de tenter le coup, de continuer ! Autant dire un coup de poker les yeux bandés avec un "sept-cinq dépareillés" entre les doigts !

Alors nous mîmes ce temps d’attente et d’incertitudes à profit pour effectuer des travaux de rénovation dans la brasserie (prévus dans le budget de départ et indispensables, notamment concernant la salle de fermentation thermorégulée). Et de mon côté, je continuais de frapper aux portes de fournisseurs, administrations et acteurs locaux ou éventuels futurs clients… Je relançais aussi le mandataire judiciaire concernant sa promesse de renégociation ; celui-ci recommençait à faire l’autruche, de son côté…

J'en profitais aussi pour fixer les quelques formalités administratives qu'il restait : nous nous mîmes en conformité auprès des services de Douane, de la commune, au niveau de la licence de vente d'alcool, etc... Et c'est alors que je déclarais aussi nos marques de boissons auprès de l'INPI, Tolas Helann, Crucis Lotharingiae, mais aussi la marque de bière de l'ex gérant au chapeau, duquel nous avions racheté la brasserie, et qui nous avait assurés qu'il allait se reconvertir dans un autre domaine.

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Et voilà qu'enfin, après tous ces efforts et une désinfection totale de notre "bébé", environ huit mois après l'achat du "fonds de commerce" piégé (un peu de retard sur le planning, oui...), nous commencions enfin la production de bière artisanale ! Notre première création fut la bière de Noël Tolas Helann, un premier test un peu raté, clivante, trop amer et épicé, qui ne convaincra qu'une petite clientèle cette année-là (mais qui sera corrigée l'année suivante pour un résultat qui fit fureur !). Suivirent la Dorée, notre ambassadrice, qui fut un succès immédiat, puis toutes les autres bières de la gamme, que nous n'eurent presque pas besoin de corriger ! La machine était enfin en marche, et non seulement elle marchait bien, mais en plus... Plus aucune trace des vilaines bactéries de l'homme au chapeau à ce stade ! Nous avions gagné le combat ! pour le moment...

Nous rencontrâmes un succès certain, voire fulgurant, apparûmes dans des dizaines de médias, jusqu'à l'autre bout du pays, et nombreux furent les partenaires qui souhaitèrent travailler avec nous ! Du reste, nos bières étaient bonnes et très appréciées, les retours clients étaient plus qu'excellents.

Nous ne reçûmes jamais la clientèle que nous avions achetée (et ne la recevrons jamais), l'homme au chapeau l'avait gardée pour lui, et nous allions comprendre pourquoi plus tard, mais malgré cela notre ascension fut florissante, et nous nous fîmes rapidement notre propre clientèle, quoi qu'elle ne fût pas encore suffisante pour couvrir les charges qui pesaient sur nous... Et oui, souvenez-vous, le plan financier avait été construit sur la base des mensonges de l'escroc (volumes de production, estimations de chiffre d’affaires, loyer (et oui, lui supportait bien son loyer, financièrement, puisqu'il avait pour habitude de ne jamais le payer ; il déménageait au fur et à mesure, et raflait les aides et subventions des Com Com au passage... Mais nous, il fallait bien qu'on le paie !), nombre de salariés, etc...). Toutes ces charges représentaient une somme mensuelle très élevée, tandis que nous avions commencé sans rien gagner, pendant des mois, si bien qu'une quantité ahurissante d'argent fut jetée à la poubelle avant notre ascension, et même encore pendant, puisqu’un chiffre d’affaires ne se crée pas comme ça du jour au lendemain. Nous creusions notre tombeau, jour après jour.

Mais une fois encore, nous n'avions pas le choix, il fallait avancer, coûte que coûte !

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Durant cette ascension, avec ce rapprochement graduel auprès de nos clients professionnels ou particuliers, de nos fournisseurs, de nos employés (et anciens employés de l'homme au chapeau), des communes et Com Com, de l'administration, des forces de l'ordre et autres notables locaux, nous eûmes tout le loisir de découvrir qui était cet ex gérant qui nous avait trompés, et combien son image de marque était ternie auprès de cette intime sphère... Chose que nous avions déjà comprise partiellement dès les jours qui suivirent notre achat, raison pour laquelle nous avions d'ailleurs décidé d'enterrer sa marque de bière pour en créer une autre, la nôtre, à notre image. Mais nous étions loin de nous douter de combien cette personne était perverse et malsaine... Pourtant il parvenait encore à conserver une excellente réputation auprès d’une grande partie du "peuple", son ancienne clientèle de particuliers, de ses proches et amis, de par ses artifices, ses techniques de manipulation, sa désinformation, et ses talents en communication !

Mais dans la sphère précédemment mentionnée, c’était une autre histoire, car les gens avaient fait les frais de sa malhonnêteté. Au début, les portes se claquaient devant mon nez lorsque je les approchais, lorsque le nom de l’ancienne brasserie retentissait. Un problème qui nous suivra longtemps. Malgré notre succès, nous eûmes quand même beaucoup de mal à commercialiser, à convaincre, avec cette fausse réputation qui nous collait à la peau.

En effet, l’ex gérant au chapeau avait escroqué bon nombre de ses fournisseurs, certains, comme son fournisseur de cartons, de grosses sommes, si bien que ce dernier lui en voulait à mort ! Je me souviendrai toujours des dernières paroles de ce brave homme lorsqu’il a appris que nous fermions à notre tour :

« Votre dossier me tenait tout particulièrement à cœur pour deux raisons : Le projet que je trouvais très intéressant (beau concept visuel, bien pensé), et l’envie de vous aider contre le personnage odieux qui vous a savonné la planche ! ».

Cet odieux personnage avait aussi arnaqué bon nombre de ses clients pros. Les retours d’expérience me furent contés en grand nombre lors de mes tournées de démarchage commercial. Je me souviens notamment d’un grand caviste Messin qu’il avait convaincu de lui acheter des grandes bouteilles d’une soi-disant "Cuvée prestige", à un prix exorbitant, en lui racontant qu’il s’agissait d’un grand cru de bière haut de gamme fermentée en fût de chêne, une technique révolutionnaire qu’il avait soi-disant lui-même inventée, mais aussi qu’il était très malade, qu’il avait un cancer (ce qui était mensonger), … qu’il fallait l’aider ! Les bouteilles étaient imbuvables et restèrent sur le dos du caviste, car aucun client ne souhaita acheter une bière à tel tarif… Et ceux qui osèrent, revinrent forts mécontents au nez du caviste !

Une tenancière de maison d'hôte nous confia un jour que lorsque cet hurluberlu arriva dans la région avec sa famille, ils logèrent chez elle un certain temps, et lorsqu’ils trouvèrent une maison, ils partirent sans payer ! Lorsqu’elle les appela, ils affirmèrent que leur logement chez elle était insalubre, et qu’ils ne paieraient donc pas pour cela ! Un comble quand on connait la réputation du domaine en question… Vous aurez compris que cette excuse était une arnaque aussi.

Ceci est une liste non exhaustive, des exemples qui me viennent à l’esprit sur l’instant, confiés par d’autres victimes, c’est pour vous donner une idée du personnage, mais il faudrait écrire un roman pour dénombrer toutes ses arnaques, manipulations ou autres actions perverses dont on nous a fait la description…

La première fois que notre équipe Tolas Helann participa au salon de la bière de Nancy, nous assistâmes à une réunion de l’union des brasseurs du Grand-Est. En sortant, après que nous ayons fais part de notre achat de la brasserie de l’homme au chapeau, on nous mit une main sur l’épaule, comme pour nous souhaiter des condoléances, comme pour nous dire que nous étions perdus d’avance. Tous connaissaient l’hurluberlus et une partie de ses pratiques. Il était, semble-t-il, le seul "brasseur" de la grande région que personne n’aimait et qui n’aimait personne. Certains nous racontèrent leurs expériences, d’autres nous proposèrent des témoignages dans le cas où à l'avenir nous souhaiterions faire appel à la justice contre lui.

Un jour, nous avons été convoqués au bureau des douanes. Inutile de vous décrire l’angoisse ressentie. Arrivés sur place : « Madame, Monsieur, vous détenez illégalement un alambic non déclaré ainsi qu’une grande quantité de bière dont les droits n’ont jamais été payés »… Je vous passerai les détails, d’autant qu’il existe un devoir de réserve au sujet des informations apprises sur place.

Heureusement, les douaniers connaissaient l’hurluberlu, ils le suivaient de près depuis un certain temps et enquêtaient encore à son sujet. Aux dernières nouvelles, pour éviter de payer les droits de douanes sur ses stocks de bière, il leur avait aussi fait croire qu’il souffrait d’un cancer !

L’alambic, qui est immatriculé et doit être déclaré, avait été acheté en Corse par l'ex gérant, "sous le manteau". Et il nous l’avait vendu tel quel ! Si bien qu’il nous fut partiellement confisqué afin que nous ne puissions pas l’utiliser (adieu les rêves de spiritueux Tolas Helann). Ses stocks de bière, quant à eux, n’étaient pas seulement contaminés, finalement, mais aussi non régularisés auprès des douanes ! Il y en avait, quand même, pour pas loin de trente-mille litres… Que nous aurions dû régulariser nous, si la douane n’avait pas été compréhensive ; cela représentait une somme faramineuse !

Au final, ils nous relaxèrent, assez rapidement même, et furent ensuite extrêmement bienveillants à notre égard, compte tenu des circonstances. Nous jouîmes ensuite d’une excellente relation avec leurs services tout au long de notre activité.

Un beau matin, c’est la préfecture qui me téléphona. « Monsieur, vous avez fait une demande de subvention à hauteur de quatre-vingt-six mille euros concernant la valorisation du brassage à la main. J’ai appris que vous cessiez votre activité et n’aviez pas honoré votre part du marché, or vous avez déjà encaissé l’argent. Nous allons devoir vous demander de nous rembourser ! » … « Heum… Non madame, nous n’avons rien fait de tel » … « Le contact que nous avions nous a communiqué vos coordonnées en nous précisant que c’était vous le gérant ». Inutile d’en raconter plus, ni de commenter… Ce n’est peut-être pas grand-chose, penserez-vous, mais mises bout à bout, toutes ces mauvaises surprises consécutives, sur une période qui se compte en une vingtaine de mois, je peux vous affirmer que le moral en prend un coup et qu’on ne dort plus beaucoup la nuit…

Au final, nous n’avons pas eu grand mal à convaincre que nous n’avions rien à voir là-dedans. Le plus drôle dans cette histoire, c’est que la demande qu’avait faite l’homme au chapeau portait sur le brassage à la main, or nous savions qu’il ne brassait pas, n’avait jamais, et ne compter pas brasser à la main ! Quand bien même toutes ses publicités et communications diverses annonçaient elles aussi que ses bières étaient faites main ! Non, ses cuves étaient en vérité motorisées, il se servait simplement de cet argument pour vendre, trompant ainsi le client.

Sur un marché, un apiculteur me confirma un jour une histoire que m’avait déjà confié l’un des ex-employés de l’homme au chapeau, me confirmant aussi au passage l’authenticité des témoignages déjà reçus jusque-là de la part de ces derniers.

Cet escroc avait convaincu un innocent apiculteur local de lui vendre son miel de qualité à un prix dérisoire pour la bonne cause : pour sa bière artisanale et locale ! Lorsque ce fut fait, il paya via sa société puis mit en place un trafic de miel consistant à revendre au prix fort ce bon miel de qualité à son propre profit. Quant à ses fameuses bières au miel, il acheta via sa société un miel chinois bas de gamme (miel artificiel) au prix le plus bas possible afin de remplacer le miel local !

Un jour, je rencontrais un homme, caviste atypique, dont le rêve était de créer la bière de Boulay-Moselle. Il me demanda de la lui créer. Il ajouta que jadis il là faisait avec la brasserie de… l’homme au chapeau !

J’appris ensuite que pour ce faire, ce dernier créait de fausses factures d’acquisition et de transport d’eau de la ville en question, afin de pouvoir prétendre que la bière de la localité était authentique ! En réalité dans les bouteilles se trouvait sa bière de base habituelle.

Une fois de plus, il s’agissait de la confirmation d’un témoignage déjà apporté par un ex-employé.

Outre son cancer fictif, qui lui permettait d'éloigner les fournisseurs impayés en jouant sur la pitié, il se disait aussi atteint d'une maladie qui le paralysait partiellement, il se promenait régulièrement avec une canne et disait ne pas pouvoir travailler physiquement (soulever des choses, etc...). Ainsi il se servait toujours d’autrui pour exécuter les tâches ingrates. Eh bien, il se trouve, à ce sujet, qu’il est une chose que m’ont confié l’ensemble de ses ex-employés, et ce, séparément, à des lieux et moments différents, s’en s’être concertés au préalable je veux dire : lorsque l’homme au chapeau pensait ne pas être observé, sa maladie disparaissait, il gambadait tel un lapereau dans un champ de carotte, et devenait subitement capable de soulever tout ce qui lui faisait envie !

De la bouche d'un responsable de la Banque publique d’investissement, nous apprîmes que l’homme au chapeau avait aussi détourné de l’argent à leurs dépens. Il les avait approchés et convaincus par ses habituels artifices de lui accorder un prêt rebond, à hauteur de cinquante mille euros. À peine reçut-il cet argent que deux jours plus tard il liquidait sa société… L’argent, au passage, avait mystérieusement disparu du compte lorsque l’organisme public déclara sa créance auprès du mandataire judiciaire véreux…

Nous reçûmes même des témoignages de ses anciens comptables successifs (oui, il changeait régulièrement de partenaires et fournisseurs à mesure qu’il les arnaquait), par le biais de notre comptable à nous. Il tentait de gruger sur tout, selon leurs dires, ne déclarait pas tout, falsifiait à tout va, et au passage les traitait comme de la m*****. Bien sûr, lorsqu'il en quittait un pour un autre, les dernières factures restaient impayées...

Mais parmi les centaines de témoignages reçus, les histoires les plus répugnantes à mon goût étaient celles qui touchaient à la fausse bonté de l’homme au chapeau. En effet, aux yeux du grand public, il se faisait connaitre tel un homme bon et généreux, un altruiste à la philanthropie exacerbée ! Même les journaux le décrivaient comme une personne vivant pour les autres, faisant du social via son activité, etc… Un homme qui avait même été récompensé de la médaille de l’Assemblée nationale pour cela !

Par exemple, il se faisait connaitre comme un homme qui sortait des gens en difficultés de la misère, ou des jeunes de la rue. Il se vantait aussi d’avoir créé à partir de rien une grande entreprise ayant eu jusqu’à une douzaine de salariés. Or, en discutant avec les personnes concernées, elles ne voyaient pas les choses de la même façon. Déjà, elles n’étaient pas salariées. Il n’avait eu que trois ou quatre salariés réels, dans les faits, tout au plus. Et ensuite, ces personnes ne se considéraient pas comme des personnes sauvées, mais plutôt exploitées. Il recrutait en fait par le biais d’un organisme associatif qui gérait des jeunes en difficulté, des travailleurs sociaux ou handicapés, mais aussi, simplement, des jeunes tout juste sortis de l’école qui souhaitaient entrer dans la vie active et se faire des expériences. Ce sont eux, en réalité, que l’homme au chapeau recrutait, via cette structure, et dont il abusait ensuite tel des esclaves, tout en se faisant passer pour leur sauveur. Aider ces gens était en vérité le moindre de ses soucis…

Pire encore, il avait créé durant la crise Covid une édition spéciale de bière pour les "Blouses Blanches", médecins et infirmiers-ères, nos héros d’alors, surfant sur leur vague pour son business. Pour l’achat d’une bière des Blouses Blanches, une partie des bénéfices était censée être reversée pour la bonne cause. C’est pour cet acte héroïque là qu’il avait reçu sa précieuse médaille…

Pour la guerre en Ukraine, rebelotte, il créa une bière dédiée dont les bénéfices iraient à la Croix Rouge. Et cela se vendit alors comme du petit pain !

Pourtant, selon nos sources (ex-employés, partenaires, comptables, administration), jamais l’homme au chapeau ne versa un centime, ni pour les blouses blanches, ni pour l’Ukraine. Il s’agissait une fois de plus d’une stratégie commerciale trompeuse. Toutefois, sa médaille, il n’en était pas peu fier, et même la glorifiait publiquement à chaque occasion ! Quand on pense qu'elle fut octroyée pour une arnaque...

Cette grande bonté, malheureusement fausse et intéressée, fut même utilisée dans les arguments de sa faillite, écrit noir sur blanc dans un article de journal : il avait dû fermer en partie parce qu’il avait été trop bon, trop généreux, en créant ses "bières cagnottes".

Côté micro-brasserie Tolas Helann, nous continuions de progresser, et plus nous nous approchions de la période estivale, plus nous étions demandés et plébiscités. Enfin nous vivions une bonne période, enfin notre passion pouvait s'épanouir ! bien qu'avec toujours ce stress permanent en arrière-plan, causé par les soucis omniprésents liés à l'escroquerie.

Et d’un autre côté, toujours pas de nouvelles du mandataire judiciaire depuis mon courrier, concernant cette fameuse renégociation. Il ne répondait ni aux tentatives d'appels téléphoniques, ni aux messages, ni aux courriels... il faisait le mort. Son discours rassurant lors de notre dernière conversation sembla n'avoir été qu'illusion, une technique pour se débarrasser de moi et gagner du temps. Et les mois passaient. Nous étions toujours perdus dans le flou, en attente, et continuions de nous empêtrer dans ce projet qui devenait vraiment de plus en plus risqué et inquiétant.

Certes il s'agissait d'un achat en liquidation judiciaire, et donc sans garantie, on serait tenté de donner raison au mandataire qui se dédouane… Mais ici, le problème était surtout que ce que nous avions reçu ne correspondait pas à ce que nous avions acheté, ni à l’oral ni sur l'inventaire fourni, et rien que cela, c'était un vice de procédure, une livraison non conforme, et donc un motif d'annulation plus que valable (en théorie, du moins, si l’on s’en remet à la loi…). Alors suite à mes dernières tentatives de contact infructueuses, je me décidais enfin à sévir un peu… Je lui envoyai cette fois des lettres recommandées, à la façon de relances pour factures impayées, avec un degré de menace par ordre croissant, à chaque fois sans réponse, jusqu’à ce que je lui envoie mon courrier final, ma mise en demeure d’intervenir, avec demande d’annulation pure et simple de la transaction !

Et là… Surprise ! au lendemain de la réception de ma mise en demeure, un huissier vint frapper à notre porte : nous étions tout à coup assignés au tribunal par le mandataire judiciaire déloyal, pour refus de signer notre achat de "fonds de commerce" auprès de son notaire ! sachant qu’il n’y avait même pas de fonds de commerce à proprement parler ! Selon la jurisprudence, le fonds de commerce correspond à « l'ensemble d'éléments corporels (marchandises, matériel, etc.) et incorporels (clientèle, compétences du personnel, droit au bail, nom commercial, etc.) affectés à l'exploitation d'une activité commerciale ou industrielle ». Or nous n’avions eu ni le droit au bail, ni la clientèle, ni l’ensemble du matériel nécessaire pour commencer l’activité, et encore moins les marchandises, qui toutes avaient été reçues périmées !

Commençait alors un nouveau combat, dispendieux lui aussi, et d’autant plus coûteux en force mentale ! Notre traversée de l’enfer, que nous avions trouvée difficile jusque-là, entrait dans une nouvelle phase, encore plus éprouvante…

Ne supportant pas l’injustice, je me suis donné à fonds sur ce coup-là, j’ai rassemblé moi-même arguments et preuves. Les escrocs ne devaient pas s’en sortir comme ça ! D’après les faits, le procès semblait gagné d’avance, mais nous devions combattre un représentant des institutions, qui avait des amis au tribunal, ainsi que son complice l’homme au chapeau, à l’origine même de l’escroquerie, qui lui-aussi semblait avoir le bras long.

S’en suivi alors un procès interminable.

De plus, au bout d’un certain temps, nous ouvrâmes notre propre procès en parallèle. En effet, alors que le premier procès lancé par le mandataire, visant à nous obliger à signer pour l’achat d’une chose viciée, n’était pas encore terminé, nous l’attaquions également pour le défaut de livraison à des fins d’annuler totalement la transaction !

Et s’en suivi donc un second procès interminable…

Pendant ce temps, pour nous, sur le terrain, la vie devait continuer ! Et pas question d’abandonner là, nous étions désormais d’autant plus prisonniers de la situation, prisonniers de notre malheureuse aventure brassicole, car même si nous étions épuisés de tout ça, arrêter là, renoncer, cela revenait à arrêter le procès et se mettre à la merci du mandataire véreux, qui aurait eu tout le loisir de nous bouffer tous crus ! Alors encore et toujours, pas le choix, il fallait continuer, se battre, ne rien lâcher ! Et c’est ce que nous avons fait.

Mais les choses allaient bientôt encore une fois se compliquer…

Un soir que je livrais l’un de nos clients professionnels, une épicerie en l’occurrence, la gérante m’informa qu’elle avait eu la visite des douanes nous concernant. J’eu un frisson au ventre ! Mais en fait, c’était concernant l’homme au chapeau… (tout le monde faisait l’amalgame).

Ils enquêtaient à nouveau sur lui. Et ce n’était pas un hasard. En effet, après que plusieurs autres clients m’aient informé des visites de la douane (et également des services de la répression des fraudes, par ailleurs), j’eu une petite surprise…

« Devine qui est passé me voir ? », me dis un client et ami caviste que je livrai un matin. « La douane, oui je sais, tout le monde me le dit », répondis-je. « Non ! Ton ami l’homme au chapeau ! Il m’a laissé des échantillons de ses nouvelles bières ainsi que ses tarifs. Au passage il a raconté qu’il avait été escroqué par les gens de Tolas Helann, qu’il ne fallait surtout pas travailler avec eux. Et pour finir il a pesté parce que tu l’avais dénoncé aux douanes et à la répression des fraudes ! ».

Puis, les jours suivants : plusieurs autres témoignages similaires…

C’était un véritable comble… Il nous avait piégés pour se débarrasser de ses ordures, il nous avait escroqués en conservant les fichiers clients et les recettes de bières, en nous vendant du vent et du contaminé, il nous avait fait perdre toutes nos économies et bien plus, il avait mis notre projet brasserie au bord du gouffre, avait au passage affirmé qu’il changeait de branche professionnelle, etc… Et voilà que maintenant il devenait notre concurrent direct, avec notre propre fichier client jamais reçu, avec les recettes de bières que nous avions rachetées, et en prime avec notre propre marque de bière ! (son ancienne à lui). En fait, ça ressemblait vraiment à une blague…

Et pour couronner le tout il tuait notre commerce en nous dénigrant auprès de la population et de nos clients durement acquis, en racontant des mensonges, se faisant passer pour la victime, comme toujours ; en inversant tout simplement la réalité !

(Pour ce qui était des services de l’état à sa poursuite, pour ça, il n’avait pas eu besoin de notre aide).

Grâce au devis laissé par l’homme au chapeau à mon ami client, je pu constater qu’il faisait faire ses nouvelles bières par une brasserie semi-industrielle alsacienne. Sur les étiquettes de ses bouteilles, en revanche, il était inscrit que ces bières étaient brassées à la main chez lui à St Avold avec des ingrédients de haute qualité (pas étonnant que la répression des fraudes était sur le coup également !).

Il n’avait pas changé. Toujours aussi loubard. Toujours aussi vicieux et pervers. Toujours aussi trompeur. Qu’à cela ne tienne, nous n’avions pas le choix, il faudrait nous battre avec cette difficulté supplémentaire sur le dos. Et je peux vous assurer que ce ne fut pas une mince affaire, car les rumeurs que colportait cet escroc avaient la peau dure ! Et quand bien même les gens ne le croyaient pas sur parole, cela faisait des histoires, or les gens n’aiment pas les histoires, alors ils se méfient, ils s’éloignent, ils tournent le dos… Et ce n’était qu’un début.

Nous, gens simples et sans histoires, amateurs d'une vie paisible et discrète, nous n'avions jamais connu le conflit, jamais véritablement eu d'ennemis, jamais commis de vague ni connu de litiges ou chicanes... Et voilà qu'aux yeux de tout un tas de gens nous passions soudainement pour des imposteurs, à l'exact opposé de ce que nous étions et de l'image que nous souhaitions donner à notre marque, et ce, du simple fait qu'un véritable imposteur et escroc professionnel s'échinait à inverser la vérité publiquement afin de se dédouaner, de continuer de plus bel sa triste vie sans honneur.

Par la suite, il allait durant des mois, et ce jusqu'à la fin de notre aventure, raconter au gré de ses promenades et démarchages, sa version très subjective de notre histoire commune, lui en victime, nous en méchants escrocs qui n'avions pas payé. Drôle, quand on pense que nous avions laissé un chèque avec attestation bancaire lors de l'achat. Beaucoup le connaissaient et ne le crurent pas. Quelques-uns le crurent. D'autre s'éloignèrent de lui et nous à la fois par méfiance, ou simple précaution.

Nous perdrons peu à peu en crédibilité et en clientèle au fur et à mesure de sa croisade malveillante, tandis qu'avec ses amis alsaciens il trompait de mieux en mieux la clientèle avec en prime l'utilisation illégale de notre marque déposée.

Après ces quelques mois de gloire et d'espoir, l'homme au chapeau et son complice le mandataire véreux avaient finalement réussi à nous remettre un genou à terre. Entre la mauvaise publicité mensongère, la perte de chiffre qui en résultait, nos charges fixes toujours aussi imposantes, et par conséquent les pertes qui reprenaient de plus bel, l'enfer que nous traversions depuis plus d'un an flamboyait toujours plus fort autour de nous, consument au passage le peu d'espoir qu'il nous rester de réaliser un miracle, de survivre...

À cela s'ajoutaient les informations mensongères, sans apport de preuves, et autres attaques injustifiées que nos ennemis glissaient entre les lignes de leurs conclusions au tribunal, dans le cadre de nos procès. Selon leurs balivernes, nous avions tout prévu depuis le début : de s'emparer de la brasserie de l'homme au chapeau sans payer ! (or nous avions donné un chèque, et pourquoi aurions-nous tout fait pour dénoncer l'arnaque et demander l'annulation de la vente si c'était vrai ?). Nous avions aussi, selon leurs crachats de venin, changé des informations pour tromper le juge, nous moquer de lui, comme le nom de notre société par exemple, qui de "Tolas Hannteï" était passé à "Tolas Helanoss" (soit de "Créations de Tolas", dans notre langue mystère, à "La fabrique de boissons de Tolas". Ceci parce que le premier nom rappelait des dessins animés Japonais un peu osés... Ils rabâchaient aussi sans cesse que nous avions eu tout le loisir de vérifier notre marchandise avant l'achat, car nous avions la clé depuis longtemps et avions maintes fois été visiter l'ancien local. En vérité, nous ne le visitâmes qu'une seule fois, en présence de l'ex gérant, dans le noir, nous n'eûmes la clé que quelques jours après la transaction, et nous en apportâmes la preuve via une série de SMS. Malgré cela ils continuèrent à rabâcher ce mensonge, se décrédibilisant eux-mêmes et révélant leur nature de menteurs invétérés. Cerise sur le gâteau : nous étions accusés de faire trainer le procès, si bien que leur magnifique "fonds de commerce" dépérissait pendant ce temps à cause de nous. Pour ce qui est du pompon : nous n'avions selon eux, à aucun moment, entrepris les démarches pour annuler la transaction dans les délais impartis ! Et oui ! Vous lisez bien ! Nous avions trois mois de délais légal pour annuler notre offre d'achat – nous l'ignorions malheureusement – mais nous n'avions rien engagé pour ce faire ! (souvenez-vous : nous bombardions le mandataire judiciaire d'appels, de messages et courriels pour le supplier d'agir concernant cette vente viciée, mais il faisait le mort durant toute cette période... Impossible d'annuler quoi que ce soit dans ces conditions ! C'est ainsi que nous comprîmes son stratagème vicieux).

Une fois de plus, l'idée était simplement d'inverser la réalité : nous faire passer pour de méchants arnaqueurs, en faisant passer les véritables tordus pour les victimes. Une stratégie déloyale sans doute vieille comme le monde, mais que je ne comprendrais jamais.

Et bien sûr, notre moral en prenait fatalement un coup, car nous étions salis sans preuve et sans vergogne, tandis que nous avions toujours été de bonne foi, d'autant plus que de notre côté l'ensemble de nos attaques dans le cadre du procès étaient véridiques et appuyées par des éléments de preuve, systématiquement !

Comme si cela n'était pas suffisant, nous subirent aussi de plein fouet, à peu près à cette même période, les inondations qui frappèrent la région. L'eau boueuse et polluée d'hydrocarbures atteignit le plafond, au sous-sol, où nous entreposions beaucoup de matériel, de machines, d'outillage, de stocks de matières premières, de stocks de produits finis aussi, de réserves diverses (étiquettes, papier, pièces de rechange, etc...), ainsi que des cuves de bière en cours de fermentation. Les pertes furent lourdes. D'autant que nous étions déjà dans une situation critique. Mais là encore, nous avons gardé la tête haute, nous avons tenu bon !

Bientôt, une surprise de taille allait néanmoins nous remonter le moral... nous redonner un peu d'espoir. Le Karma allait entrer dans la danse, et pour une fois la chance allait nous sourire après tout ce temps de poisse inexorable ! Ou tout du moins un peu d'espoir qu'une justice existe, ce dont nous commencions à douter.

NOUS GAGNÂMES NOTRE PREMIER PROCÈS !

Le mandataire judiciaire était débouté de sa demande à notre encontre et le tribunal nous donnait raison. Il fut condamné à nous dédommager les frais de justice. Chose qu'il ne fit bien sûr... jamais.

Et en attendant, le deuxième procès, celui que nous avions nous entrepris contre nos escrocs, après que eux nous eûmes attaqués, ayant pour but d'annuler purement et simplement la transaction, continuais de filer en parallèle de cette belle première victoire. Et à chaque audience, les mêmes arguments pervers et diffamatoires revenaient, parfois avec de nouveaux, de plus en plus mesquins, qui m'attaquaient même moi personnellement, quand bien même cet achat avait été fait pour une société. D'ailleurs, à ce sujet, j'avais omis de préciser que l'attaque en justice du mandataire judiciaire, à la base, était dirigée contre moi, et non la société, sous prétexte que j'y avait apposé mon nom, ce qui est somme toute logique. La société était à l'époque en cours de création, et je l'avais pourtant mentionné. Mais en effet, s'il avait attaqué la société, il nous aurait suffi de la liquider pour régler le problème, et il n'aurait pas pu finaliser son arnaque !

De notre côté, en revanche, cette attaque personnelle était menaçante, car elle sous-entendait qu'en cas de défaite, les lourdes sommes engagées seraient à sortir de nos propres deniers. De quoi attiser quelques angoisses, comme vous vous en doutez. Or la défaite, quand bien même nous étions dans le vrai, n'était pas à exclure, la justice des hommes étant ce qu'elle est. Nous n'oubliions pas que notre adversaire avait des amis au tribunal.

À la suite de cette Victoire à la Pyrrhus, de ce sursaut de chance dans notre océan de poisse, cette dernière fit son retour, sans que nous en soyons spécialement étonnés. L'espoir ne fut que de courte durée. Tandis que l'homme au chapeau continuait de nous salir, au même titre que son complice mandataire, et d'inonder les supermarchés de ses bières frauduleuses, tandis que nous avions perdu gros dans l'inondation, tandis que nous avions déjà essuyé des mois de conflit et de procès, le coup de grâce vint s'abattre sur la Maison Tolas Helann. Au début de l'été 2024, quelques-uns de nos brassins connurent une légère erreur de dosage en levures et sucres, si bien qu'avec la chaleur leur refermentation en bouteille fut trop importante. Le téléphone commença à sonner, des clients professionnels, des amis : « ta bière mousse à fond quand on la décapsule ! » et même, de la part d'un ami épicier : « une bouteille a explosé sur mes étals ! ». C'est ce qu'on appelle le "gush", dans le jargon. Un geyser de mousse. Un phénomène très courant dans le monde des bières artisanales, qui arrive même aux meilleurs ou aux mieux équipés. Mais à nous, on ne le pardonna pas, peut-être à cause des fausses rumeurs de l'ex gérant en parallèle, parce que ça faisait soudainement "trop" ? Peut-être parce que jusque-là nous avions une excellente réputation sur la qualité de nos bières et que par conséquent ce défaut n'était pas acceptable ? Je ne sais pas.

Nous dûmes retirer des centaines de bouteilles de nos bières des rayons et avions tout un stock difficilement vendable. Du moins pas sans ternir notre réputation...

Les brassins suivants, nous fîmes bien attention de ne pas réitérer la même erreur ; peut-être pourraient-ils encore nous sauver de ce nouveau coup dur. La période estivale n'était pas encore complètement terminée, et ensuite arrivait Noël, tout n'était peut-être pas perdu, quelles qu'étaient les apparences.

Mais sur ces derniers brassins, il est une autre chose que fit se réveiller la chaleur de l'été. Une toute petite chose que nous avions oubliée, depuis le temps... Une toute petite chose qui crée de gros ennuis... Lactobacillus... Cette petite coquine était de retour. La fameuse bactérie de l'homme au chapeau, la star de sa "Bière au Citron de Sicile", dont on ne se débarrasse pas si facilement. Le laborantin ayant effectué les analyses nous expliqua que ces bactéries se mettent en dormance lorsqu'elles sont attaquées (la désinfection), puis les survivantes se réveillent aux premières chaleurs, avant de se multiplier et de recoloniser. Le taux de contamination était infime, à ce moment-là, presque imperceptible ; incomparable avec ce que vendait l'homme au chapeau. Mais nul doute qu'avec le temps elles allaient nous envahir, les petites bêtes. Des faits qui signifiaient au passage que ce qu'on nous avait vendu était non seulement contaminé, mais aussi officiellement irrécupérable, et donc sans valeur. Et donc, techniquement, invendable !

Ceci combiné au reste de nos déboires et au peu de finances qu'il nous restait, je compris que c'était la fin. Ou tout du moins la fin de la Maison Tolas Helann telle qu'elle avait existé jusqu'alors.

Je pris la décision fatidique. Vider aux égouts la production faiblement contaminée. Stopper la production. Ne plus rien utiliser de ce que nous avions, ni le matériel de brassage contaminé de l'ex gérant, ni nos nouvelles cuves potentiellement contaminées par le reste du matériel.

Nous étions définitivement à terre. Après discussion avec les employés, ceux-ci également s'en remirent à l'évidence. C'était la fin.

Quoique... Une dernière lueur d'espoir existait. Notre Maître-Brasseur me donna une idée : « Pour nous c'est terminé », me dit-il, « mais pour toi peut-être pas... La marque est là, elle est belle et elle a du succès. Pourquoi ne pas continuer à la produire ailleurs ? Dans une autre micro-brasserie ? ». Cela revenait un peu à reproduire le schéma de l'ex gérant au chapeau, ce qui ne me plaisait guère. Mais en l'occurrence, moi, j'irai dans de vraies structures artisanales, non industrialisées, et je participerais moi-même au brassage, à la renaissance de mes bières. L'idée était intéressante. Bien qu'épuisé par ces bientôt deux ans de combat quotidien, je me refusais toujours à abandonner, car ce maudit procès n'était pas terminé, or il fallait que je tienne jusqu'au bout pour éviter le désastre. Alors j'allais la ruminer, cette idée, et la partager avec les associés. Et il se trouve que l'un d'eux, en l'occurrence mon cousin, avait jadis acquis aux enchères un vieux château abandonné qui ne demandait qu'à revenir à la vie...

Une métamorphose ! Voilà quel était désormais le nouveau plan de sauvetage de la Maison Tolas Helann. Après discussion avec notre avocat, celui-ci nous conseilla de procéder à un redressement judiciaire, pour faciliter la transition, ainsi que les licenciements que nous allions malheureusement être amenés à faire. Côté "hangar aux lustres", le propriétaire, qui était aussi devenu un associé, accepta gentiment de rompre le contrat de bail. Il fut même question un moment de nous installer dans l'abbaye bénédictine de Longeville-lès-Saint-Avold, qui faisait partie de son parc immobilier ; c'eut été merveilleux, pour une activité brassicole ! Malheureusement les travaux auraient été hors d'atteinte pour notre petite entreprise à bout de souffle, alors nous abandonnâmes l'idée...

Notre dévolu allait plutôt se jeter sur le château du cousin, où bouillonnaient déjà depuis quelques temps de nombreuses idées pour une résurrection... C'était décidé, la Maison Tolas Helann allait s'installer dans le château de Furst à Folschviller !

Et concernant la production de nos boissons, nous hésitâmes d'abord entre une micro-brasserie locale, l'institut français de la bière de Nancy, et, pour finir... un coup de cœur... Le pays de la bière ! Et oui, en effet, suite à des vacances en Belgique où avec ma femme nous avions eu l'occasion de rencontrer plusieurs brasseurs artisanaux de haut vol, j'eu l'idée de créer mes bières avec eux, chez eux, là où la bière est une divinité et la qualité une tradition, avec les meilleurs des meilleurs. Et puisque la bière Tolas Helann n'avait jamais eu pour vocation d'être réellement une bière "locale", mais plutôt une bière de dégustation "haut de gamme", le choix se porta sur la Belgique, où j'avais notamment deux amis brasseurs en particulier. L'un d'eux avait aussi une brasserie dans le nord de la France, qui serait utilisée également.

Commença alors la métamorphose. C'était reparti pour un nouveau déménagement, le dos en compote. Puis l'aménagement du nouveau local. Les trajets en Belgique pour élaborer les plans, pour apporter du matériel, des cartons, des capsules personnalisées, des étiquettes, puis pour brasser, mettre en bouteille, mettre en cartons, et au final rapatrier le précieux nectar au château !

Et bien sûr, nos merveilleux ennemis, pendant ce temps-là, ne manquaient pas de continuer à nous égratigner... L'homme au chapeau, par exemple, s'évertuait à nous décrédibiliser sur les réseaux sociaux, en "bloquant" au passage chaque personne qui nous était proche afin que nous ne puissions pas nous en rendre compte. Ce qui arriva tout de même, fatalement. « La magie de cette brasserie est qu'elle ne produit rien et fait tout faire en Belgique », pouvait-on lire. « Le fabriquant est un industriel connu. J'ai appelé et ils m'ont confirmé... ». Un comble, quand on pense qu'il avait fait la même chose avant nous, mais en bien pire ! Dans notre cas, contrairement à lui, nous ne faisions pas faire, mais nous faisions nous-même sur place. Et le partenaire n'était pas un industriel nous concernant. Lorsque mon ami Belge, propriétaire de la brasserie artisanale en question, lu son commentaire, il en devint rouge. Et il me confirma que l'homme au chapeau ne les avait jamais contactés. Ce mythomane était décidément incorrigible... Du reste, ce n'était pas l'hôpital, mais le ministère de la santé qui se foutait de la charité !

Le mandataire judicaire véreux, de son côté, en manque d'arguments, ne sachant plus comment nous atteindre, nous attaqua sur une vieille histoire de vente de matériel. En effet, au début de notre malheureuse aventure, après que celui-ci nous eut scandé « Considérez-vous comme propriétaire ! », j'avais pris la décision de vendre une vieille imprimante à bouteille du lot acheté... (pour imprimer dates de péremption et n° de lot). Cette dernière avait été réceptionnée hors service, comme bon nombre d'autre éléments. Je l'avais donc envoyée en réparation car nous en avions urgemment besoin ; une réparation fort coûteuse au passage. Seulement, cette intervention s'éternisait, et entre-temps le fournisseur de notre étiqueteuse m'informa que nous pouvions ajouter sur sa machine un module d'impression sur bouteilles à moindres coût. Excellente idée ! Il me suffirait de revendre l'autre machine à son retour. C'est donc ce que je fis : une annonce pour vendre l'ancienne imprimante réparée. Mais la publication ne rencontra guère un grand succès et j'allais peu à peu l'oublier... Qu'à cela ne tienne, elle ne serait pas oubliée pour tout le monde !

Dans un courrier officiel à mon avocat, le mandataire malhonnête m'attaquait pour la vente de cette machine qui en fin de compte, du fait du procès, ne nous appartenait pas réellement ! Vente qui, au passage, n'avait jamais eu lieu. L'imprimante en question était toujours bien au chaud dans nos locaux, et la date de publication de la fameuse annonce était antérieure au début des procès. Pas de quoi, donc, nous inquiéter. Toujours est-il qu'ils en firent une affaire d'état !

Début d'année 2025, quoique la transition fut compliquée (notamment du fait d'un mauvais timing), que les licenciements furent coûteux, et que nos ennemis nous harcelaient sans cesse, la métamorphose semblait promettre une réussite ! Notre redressement judicaire semblait nous sourire, lui aussi. Nos efforts pour contrer la désinformation opérée par nos vicieux adversaires semblait porter ses fruits, et notre marque remontait dans les sondages. Nos stocks de bière se refaisaient petit à petit, avec une qualité optimale. À nouveau nous rencontrions l'engouement du public. Le château ni était pas pour rien. La commune de Folschviller non plus, ainsi que nos soutiens habituels et mon brave cousin. Nous renouions avec le succès. À nouveau notre carnet de commande se remplissait, au même titre que notre agenda d'évènements. La Maison Tolas Helann était de retour, avec un tout nouveau style, et une âme aguerrie. L'espoir, à nouveau soufflait sur notre Maison.

Mais finalement, au début du mois de Mars 2025, ce fut la douche froide.

Malgré notre succès, malgré un carnet de commande et d'évènements plein, malgré les excellents chiffres que tout cela présageait, il se trouve que la procédure de redressement judiciaire, pour décider de notre avenir, se basait sur des chiffres antérieurs, qui forcément n'étaient pas bons, puisque nous étions en arrêt d'activité, en période de transition, où nous déménagions et dépensions pour refaire les stocks, avec en parallèle les grosses dépenses liées aux licenciements, qui étaient ponctuels mais dont les chiffres furent illogiquement pris en compte de façon "permanente". Ceci, cumulé au prêt bancaire qui avait été en quelque sorte "jeté à la poubelle" du fait des conséquences de l'escroquerie, dès le début de notre aventure, et menaçait donc de représenter une dette, convainquit au dernier moment le tribunal de commerce de changer de direction nous concernant...

Notre redressement fut converti en liquidation judiciaire en date du 25 Mars 2025. Cette fois-ci, alors que plus personne ne s'y attendait, qu'enfin on croyait au miracle, eh bien... c'était vraiment... la FIN.

Le jour de l'audience au tribunal, celle qui allait décider cette liquidation soudaine, quelle ne fut pas ma surprise en me retrouvant nez-à-nez avec le mandataire malhonnête à l'origine de notre présence dans cette salle ! Durant ma plaidoirie, il était même assis juste derrière moi, accompagné de son avocat (ils étaient vraisemblablement présents pour une autre affaire qui les concernait, leur présence était semble-t-il un pur hasard du destin). Et en sortant de la salle d'audience du tribunal, lorsque le sort de la Maison Tolas Helann fut définitivement scellé, en jetant un regard vers eux, je pu apercevoir sur leurs visages des sourires malicieux, satisfaits et amusés...

C'est ainsi que s'est achevée l'histoire de la Maison Tolas Helann. Les histoires, dans la vraie vie, ne s'achèvent pas toujours bien.

Quoique, ce n'est peut-être pas encore tout à fait terminé, nous ne sommes pas à l'abri d'un ultime rebondissement. Après tout, le procès contre les escrocs court toujours... Le délibéré final est prévu pour fin d'année 2025. Peut-être que justice sera faite. Suspense !

En ce qui me concerne, cette défaite, ou semi-défaite, puisqu'il n'y a aucun gagnant, je l'accueille avec philosophie. Nous n'avons pas démérité, loin de là. Ce fut une expérience. Et une sacrée bonne leçon ! Ne jamais faire confiance au premier venu ! Toujours être sur ses gardes. Il y a des fourbes autour de nous, qui n'ont aucuns scrupules à propager le mal ou à détruire autrui pour leurs propres intérêts.

Et puis la vie continue. C'est l'occasion de s'orienter vers d'autres horizons, et de profiter du plus important : la famille ! »